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LE SYNDROME D'APNÉES OBSTRUCTIVES DU SOMMEIL (SAOS)

L'individualisation du syndrome d'apnées obstructives du sommeil (SAOS) est relativement récente puisqu'elle remonte en 1976. Il reste que l'existence de troubles respiratoires nocturnes est connue depuis l'Antiquité et que Charles Dickens nous a laissé une description remarquable du tableau clinique, que le corps médical dénommera bien plus tard le " syndrome de Pickwick ". Les études épidémiologiques indiquent clairement qu'il s'agit d'une pathologie fréquente touchant 2 à 4% de la population adulte. Dans les centres d'études du sommeil, ce syndrome d'apnées est à l'origine de 43 à 59% des consultations pour hypersomnolence diurne et de 6 à 29% des consultations pour insomnie chronique. Encore insuffisamment reconnu, le SAOS se caractérise par la survenue répétitive d'apnées obstructives et d'hypopnées au cours du sommeil. La survenue de ces événements respiratoires nocturnes induit une importante désorganisation de la macrostructure comme de la micro architecture du sommeil. De part le retentissement sur la vigilance diurne de ces troubles du sommeil, le SAOS a un net impact sur la qualité de vie des patients. Tant les conséquences socioprofessionnelles des troubles de la vigilance que les fréquentes complications cardio- et cérébro-vasculaires du SAOS en font un véritable problème de santé publique.

DEFINITION

Le SAOS se définit par la survenue répétitive, au cours du sommeil, d'obstructions complètes ou partielles des voies aériennes supérieures, responsables d'apnées ou d'hypopnées.

  • Une apnée est définie par l'arrêt du flux aérien durant plus de 10 secondes, cet arrêt pouvant être d'origine centrale (absence de commande respiratoire), obstructive (obstruction des voies aériennes supérieures avec persistance des efforts ventilatoires) ou mixte (c'est à dire d'origine centrale puis obstructive). Au cours des apnées obstructives, la contraction des muscles respiratoires est incapable de faire entrer l'air dans les poumons du fait de l'obstruction des voies aériennes supérieures. Les apnées peuvent s'accompagner de micro éveils.
  • Il n'existe aucun consensus sur la définition des hypopnées. La recherche de la survenue d'hypopnées suppose une mesure quantitative, et non plus seulement qualitative, de la ventilation. A ce jour, la définition la plus utilisée est une diminution de la ventilation (du flux aérien) d'au moins 50 % pendant au moins 10 secondes, diminution associée à une désaturation artérielle en oxygène d'au moins 4%. Les hypopnées peuvent aussi s'accompagner de micro éveils.
  • On calcule alors un index d'apnées-hypopnées, soit le nombre d'apnées et d'hypopnées par heure de sommeil :

IAH = (Nombre d'apnées + Nombre d'hypopnées) / Durée du Sommeil (mn) x 60

    En fait, une valeur d'IAH n'a de sens que si elle est associée à des signes cliniques. La sévérité d'un SAOS ne peut se réduire à un index mais doit tenir compte de l'invalidité que représente l'hypersomnolence, de la souffrance physique et relationnelle des patients, des répercussions du syndrome sur le système cardio-respiratoire et sur le système nerveux.

    PHYSIOPATHOLOGIE DU SAOS

    Le SAOS est caractérisé par la répétition d'occlusions complètes (apnées) ou incomplètes (hypopnées) du pharynx. Cette région anatomique est complexe et est constituée de parois comportant des muqueuses, des muscles et des aponévroses. On remarque que le pharynx n'est constitué d'aucune structure rigide pour les soutenir et offre donc une grande susceptibilité à la déformation. Une anomalie des voies aériennes ou des muscles respiratoires peut n'entraîner aucun trouble pendant le jour grâce à des systèmes compensateurs, dont la perte pendant le sommeil peut favoriser l'apparition d'apnées.

    • CALIBRE ET FORME DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES

    A l'éveil, la forme des voies aériennes supérieures (VAS) est différente entre les sujets non ronfleurs, ronfleurs non apnéiques et apnéiques. L'augmentation de l'épaisseur des parois pharyngées latérales, des dépôts graisseux le long des parois pharyngées induisent une compression latérale des VAS. Toutes les anomalies morphologiques des VAS, comme une micrognathie, une rétrognathie, une hypertrophie de la base de la langue, favorisent et sont fréquemment associées à un SAOS. Il existe, en outre, une inflammation de la muqueuse des VAS chez les sujets apnéiques. Cette inflammation joue sur la collapsibilité des VAS par le biais d'une diminution de leur calibre lorsque le tonus vasculaire augmente. Des signes de souffrance musculaire à type de fibrose et d'dème ont également été décrits dans certains muscles des VAS. Ces anomalies sont de plus en plus marquées en fonction de l'importance des troubles respiratoires au cours du sommeil. De fait, elles témoignent des conséquences du traumatisme des VAS lié à la vibration tissulaire nocturne. Ces modifications tissulaires jouent elles-mêmes un rôle dans les propriétés mécaniques des tissus des VAS. L'élastance de la luette, reflet de la rigidité tissulaire, est plus élevée chez les patients apnéiques que chez les ronfleurs et ce, par dème, inflammation et fibrose des tissus péri musculaires associés à une plus grande proportion de tissu adipeux. Ainsi, l'index d'apnée augmente proportionnellement à l'élastance de la luette et, malgré une plus grande capacité à générer une tension des muscles dilatateurs des VAS chez le sujet apnéique (cf. infra), le déplacement tissulaire est moindre du fait d'une inefficacité de transmission de cette force dilatatrice aux tissus mous.

    • LES MUSCLES DILATATEURS DES VOIES AÉRIENNES SUPÉRIEURES

    La contraction des muscles inspiratoires (essentiellement du diaphragme) crée une dépression négative, c'est à dire inférieure à la pression atmosphérique, ce qui attire l'air dans les poumons. Cette pression négative a tendance à fermer le conduit des VAS. Normalement, un mécanisme protecteur est mis en jeu avant même le début de l'inspiration par la contraction des muscles dilatateurs du pharynx. L'activité électromyographique phasique des muscles dilatateurs précède celle des muscles respiratoires. En outre, l'activité tonique des muscles oropharyngés est un élément important du maintien de la perméabilité des VAS, une diminution de cette activité tonique s'accompagnant d'une diminution de volume des VAS. En fait, toute modification de l'activité des muscles dilatateurs du pharynx va modifier la collapsibilité des VAS. Ainsi, les activités toniques et phasiques des muscles des VAS diminuent avec le sommeil, de façon variable d'un muscle à l'autre. Outre le sommeil, les muscles dilatateurs sont sensibles aux stimuli métaboliques (hypoxie, hypercapnie) et mécaniques (pression négative dans les VAS). Il faut noter à ce propos les effets délétères de l'alcool et de certains médicaments comme les benzodiazépines qui dépriment l'activité des muscles pharyngés. Mais, il apparaît, en fait, que l'activité du muscle génioglosse est plus élevée chez les patients apnéiques que chez les sujets normaux à l'endormissement, au cours du sommeil mais surtout à l'éveil. Les caractéristiques histochimiques et métaboliques des fibres musculaires des muscles pharyngés et laryngés varient entre les sujets apnéiques et ronfleurs simples, l'ensemble des muscles pharyngés et laryngés des sujets ronfleurs et apnéiques semblant faire face à une adaptation physiologique en réponse à un exercice de type résistif répété supra maximal prolongé : hypertrophie musculaire - augmentation de la proportion des fibres IIA à contraction rapide – augmentation des activités enzymatiques de la voie anaérobique ... On ne peut donc pas invoquer une simple diminution de l'activité des muscles dilatateurs oropharyngés dans le sommeil pour expliquer l'obstruction des VAS dans le SAOS.

    • IRRÉGULARITÉS RESPIRATOIRES DANS LE SOMMEIL ET DÉCLENCHEMENT DES APNÉES

    Plusieurs arguments supportent actuellement l'hypothèse que les irrégularités respiratoires, telles que l'alternance d'hypo et d'hyperventilations, sont en fait à l'origine des apnées obstructives :

      • Celles-ci sont presque exclusivement observées dans le sommeil lent léger et au cours du sommeil paradoxal, où il existe des fluctuations physiologiques de la ventilation mais pratiquement jamais au cours du sommeil lent profond, où la respiration est très stable et régulière.
      • La respiration au cours du sommeil reste périodique après trachéotomie chez les patients porteurs d'un SAOS
      • L'induction de phénomènes de respiration périodique dans le sommeil s'accompagne d'obstructions des VAS chez l'homme normal ...

    Il existe, de fait, au cours des périodes d'hypoventilation, une baisse de l'activité des muscles oropharyngés comme un retard d'activation de ces muscles par rapport aux muscles respiratoires – retard de contraction des muscles dilatateurs observé dans la majorité des apnées obstructives. L'origine d'une telle instabilité respiratoire chez le patient apnéique reste à élucider, l'augmentation des résistances des VAS pouvant elle-même induire une instabilité respiratoire.

    [SUITE]