On sait depuis que l'on explore sur une grande échelle les malades présentant un SAOS que la plupart d'entre eux n'ont pas d'insuffisance respiratoire, définie par des troubles gazométriques diurnes ni même par un déficit ventilatoire appréciable. Dans le cadre du SAOS, il convient, en fait, de parler d'insuffisance respiratoire avec hypoxémie (PaO2 < 70 mm Hg) hypercapnie (PaCO2 > 45 mm Hg) puisqu'une obésité isolée importante peut induire une hypoxémie sans qu'il y ait d'insuffisance respiratoire au sens strict; l'hypoxémie isolée peu importante est donc banale chez les patients SAOS obèses. Sur 265 patients SAOS, la survenue d'une hypoxémie, définie par une PaO2 < 65 mm Hg, n'est présente que dans 27% des cas, la fréquence de l'hypercapnie n'étant que de 10%. L'hypoventilation alvéolaire chronique étant la cause principale de l'hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) dans les affections respiratoires chroniques, il est intéressant de constater que la prévalence de l'HTAP est également de 10% à 20% des cas.
Les causes et les mécanismes de l'apparition d'une insuffisance respiratoire chronique (IRC) chez certains SAOS sont cependant loin d'être élucidées. Les facteurs incriminés sont :
- la sévérité du SAOS
- l'existence d'une éventuelle diminution de la chémosensibilité chez certains de ces patients
- le rôle de l'obésité et, enfin,
- le rôle d'une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) associée.
Il n'a pas été possible de démontrer, jusque là, de relation entre la sévérité des événements respiratoires nocturnes et le niveau des gaz du sang artériels diurnes. Il n'est pas plus démontré actuellement qu'une hyposensibilité aux stimuli hypoxique et hypercapnique, peut-être induite par les effets à long terme de l'hypoventilation nocturne contemporaine des apnées, soit un facteur déterminant de l'IRC hypercapnique diurne.
L'obésité représente quant à elle un facteur non négligeable d'IRC dans le SAOS. L'hypoventilation alvéolaire survenant chez de grands obèses s'explique principalement par le coût excessif du travail respiratoire, du fait de la chute de la compliance du système respiratoire et de l'augmentation de la résistance thoracique. La corrélation entre l'élévation du coût en oxygène de la ventilation et le niveau de la PaCO2 est très significative chez les obèses. La fréquence de l'hypercapnie n'est pas plus grande chez les grands obèses (IMC > 40 kg/m2) avec SAOS que chez les autres.
Il ressort, en fait, de la plupart des travaux récents que l'obstruction chronique des voies aériennes distales est un facteur déterminant de l'IRC diurne dans le SAOS. L'association BPCO-SAOS est retrouvée dans 11% des cas. Dans les équations de régression multiple, le VEMS est le meilleur prédicteur de la PaO2 et de la PaCO2 chez les patients porteurs d'un SAOS; il est également un bon prédicteur du niveau de pression artérielle pulmonaire (PAP). Il reste que l'existence d'une BPCO est souvent méconnue et qu'elle peut être asymptomatique. Elle doit donc être systématiquement recherchée par des EFR. Elle représente sans doute le facteur déterminant de survenue d'une hypoventilation alvéolaire dans la plupart des cas de SAOS.
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Il n'y a actuellement pas de preuve que le SAOS, en l'absence d'hypoxémie ou d'hypoxémie-hypercapnie diurne, soit capable d'induire une HTAP permanente. L'HTAP est une conséquence de l'hypoxie alvéolaire prolongée tant nocturne, prononcée, que diurne, modérée. En outre, cette HTAP est le plus souvent modérée. Cette HTAP modérée n'exclut cependant pas le développement d'une insuffisance cardiaque droite à la faveur d'une surinfection broncho-pulmonaire aiguë.
Le système nerveux autonome (SNA) joue un rôle essentiel dans les mécanismes physiopathologiques à l'origine des conséquences cardio-vasculaires aiguës et chroniques du SAOS. Il apparaît, en fait, une élévation chronique du tonus adrénergique chez ces patients. La stimulation hypoxique répétée et l'obésité sont elles mêmes associées à une augmentation de l'activité sympathique et pourraient constituer des facteurs confondants essentiels. Mais, on a pu montrer que le tonus adrénergique est augmentée de façon significative chez les patients obèses ayant un SAOS modéré (IAH moyen = 19) et très peu de désaturations nocturnes (SaO2 moyenne = 97%) ; en outre, l'obésité sans apnées n'est pas associée à une augmentation du tonus adrénergique à destinée musculaire. Les mécanismes de cette activation sympathique sont donc loin d'être élucidés. En outre, les sujets apnéiques développent une sensibilité cardio-vasculaire excessive à la stimulation sympathique de part la modification de la réponse endothéliale, avec un déficit de la vasodilatation NO-dépendante. Le SAOS est également associé à une réduction du tonus parasympathique. Les mécanismes à l'origine de ces réponses vagales anormales ne sont pas élucidés.
Des études chez l'animal ont pu montrer que la répétition d'événements apnéiques sur plusieurs semaines était capables d'induire une HTA permanente, la survenue de celle-ci nécessitant une hypoxémie associée aux apnées avec un système sympathique et des chémorécepteurs carotidiens intacts. La reprise ventilatoire postapnéique entraîne une hyperventilation, qui, si les réponses chémosensibles sont préservées, induit une hyperoxie transitoire et relative. Cette dernière génère un effet vasoconstricteur systémique qui va, en se répétant à chaque hypoxie intermittente, contribuer à modifier la structure endothéliale et augmenter de façon permanente les résistance vasculaires périphériques. En effet, la désactivation du chémoréflexe par inhalation de 100% d'oxygène durant 15 minutes entraîne une baisse significative du tonus sympathique musculaire et de la pression artérielle moyenne chez les patients apnéiques.
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