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« ETAT DES LIEUX » DE LA PRISE EN CHARGE ACTUELLE DE L'INSOMNIE

Les hypnotiques à action GABAergique (Benzodiazépines et molécules apparentées) dans la prise en charge de l’insomnie.

A propos d’une enquête menée chez 75 patients sous hypnotique dans le cadre d’une officine de la Région Nord - Pas de Calais - Picardie.

C. Chaissac - Thèse pour le Diplôme d’Etat en Pharmacie. Université de Picardie Jules Verne. Faculté de Pharmacie (Amiens, le 30 Juin 1999).

Directeur de Thèse : Dr. D. Rose - Unité des Troubles Respiratoires au cours du Sommeil - CHU d'Amiens - France

UNE ENQUÊTE MENEE CHEZ 75 PATIENTS SOUS HYPNOTIQUE DANS LE CADRE D'UNE OFFICINE

Sur la base d'un questionnaire simple, nous avons étudié la consommation en hypnotiques de la clientèle d'une officine rurale implantée à Houdain (Pas de Calais). Le questionnaire était proposé à chaque patient se présentant à l'officine du 2 Janvier au 17 Avril 1999 avec une prescription d'hypnotique. Cet effectif global de 75 patients interrogés n'a certes pas la prétention de représenter toute la population générale des patients sous hypnotique.

Toute l'enquête au format .pdf - Cliquez sur l'image.

N'oubliez pas que vous devez disposer d'Acrobat Reader.

Le questionnaire portait :

  1. Sur les troubles du sommeil ayant amené le patient à cette prescription (facteur déclenchant, type d'insomnie)
  2. Sur la qualité du prescripteur au moment de la première prescription
  3. Sur l'historique de cette prescription (durée, éventuels effets secondaires, éventuel changement d'hypnotique)
  4. Sur la qualité du sommeil actuel du patient sous hypnotique
  5. Sur l'éventualité d'une tentative de sevrage.

Nous nous sommes également intêréssés à :

  1. L'existence de traitements pour d'éventuelles pathologies associées
  2. L'existence d’une association du traitement hypnotique avec la prise d'anxiolytiques, d'antidépresseurs ou d'antalgiques
  3. Le nombre de lignes moyen des prescriptions avec hypnotique.

Nous disposions également des statistiques sur la consommation en hypnotiques de la population générale de l'officine ainsi que celles sur la pyramide des âges et le sexe ratio.

LA POPULATION ETUDIEE

SEXE Notre étude porte sur 75 patients des deux sexes (39 femmes 36 hommes, F / H = 1.1). On retrouve dès lors une très légère prédominance féminine puisque, comparativement, la population générale de l'officine se compose de 47% de femmes et de 53% d'hommes (F / H = 0.9).
AGE L'âge moyen de notre population est de 60.9 ans (+/- 11.6). Elle est significativement plus âgée que celle de l'officine dont l'âge moyen est de 43.5 ans (+/- 19.7). Il n'y a pas de différence d'âge inter-sexe puisque les femmes interrogées ont un âge moyen de 60.1 ans (+/- 11.6) et les hommes un âge moyen de 61.8 ans (+/- 11.7).

LES PATHOLOGIES ASSOCIEES

L'existence de pathologies associées (pathologies neuro-psychiatriques, pathologies cardio-respiratoires, éthylisme, troubles digestifs …) n’a été décelée qu’à la lumière de l’historique du traitement en cours. Il se peut donc que des affections non traitées ou latentes soient demeurées inconnues.

69 patients sur 75 (92%) sont traités pour une pathologie associée à leurs troubles du sommeil :

  • 20 (27%) pour une pathologie neuropsychiatrique, dont 13 pour dépression
  • 15 (20%) pour des troubles cardio-respiratoires
  • 4 (5%) pour une intoxication exogène d'origine éthylique
  • 3 (4%) pour des problèmes digestifs
  • 5 (7%) pour des troubles divers plus ou moins graves.

FACTEURS DE RISQUE RETROUVÉS AU SEIN DE NOTRE POPULATION

Nous avons étudié deux types de facteurs de risque :

  • Les facteurs de risque cardio-vasculaires (hypertension, hyperlipémie, diabète)
  • Les facteurs de risque pouvant amener des troubles du sommeil comme l’existence d’une arthrose, d’une hypertrophie de la prostate, de troubles anxio-dépressifs. Chez les femmes, nous avons pris en compte, en fonction de l’âge de la patiente (> 55 ans), la survenue ou non de la ménopause. En effet, tant l’arthrose par les douleurs chroniques qu’elle entraîne que l’hypertrophie de la prostate par une nycturie peuvent être à l’origine d’éveils nocturnes multiples. Les troubles anxio-dépressifs s’accompagnent généralement d’une insomnie avec des troubles de l’initiation et/ou du maintien du sommeil. La ménopause va de pair également avec la survenue de troubles du sommeil. Il serait, de fait, tentant de faire le lien entre l'insomnie féminine et les troubles de la ménopause. En effet, l'âge moyen de la première prise d’hypnotique chez les femmes (51.5 +/- 12.6 ans – médiane = 51 ans) coïncide avec l’âge de survenue des premiers troubles hormonaux et le déficit hormonal est à même de faire naître des facteurs de risque pouvant entraîner des troubles du sommeil (douleurs liées à l'ostéoporose et à l'arthrose, affections cardio-vasculaires). Cependant, un rapport de cause à effet est difficile à établir puisque la moyenne d'âge de la population étudiée est de 60.9 ans (+/- 11.6) ce qui induit, naturellement, une proportion importante de femmes ménopausées (74%). Tout juste peut on conclure à une fragilisation du sommeil par le vieillissement. Nous avons calculé, pour chaque patient, le nombre total de facteurs de risque (FDR). Le cumul des FDR est directement lié à l’âge du patient (p = 0.0034) et au nombre de lignes de l’ordonnance (p = 0.0001). Notons que 28% des patients interrogés, soit près d’un tiers de la population, présentent au moins 3 FDR.

LES FACTEURS DE RISQUE CARDIO-VASCULAIRES
  • 37 patients (49%) sont traités pour hypertension. Ils sont plus âgés (66.4 +/- 7.3 ans – p = 0.0001) que la moyenne de la population interrogée (60.9 +/- 11.6 ans) et comptent 21 hommes pour 16 femmes (H / F = 1.3).
  • 13 patients (17%) sont traités pour hyperlipémie. Ils ont un âge moyen de 61.5 +/- 8.2 ans et comptent 6 hommes pour 7 femmes (H / F = 0.9)
  • 4 patients (5%) sont traités pour diabète. Ils ont un âge moyen de 64.8 +/- 10.8 ans et comptent 3 hommes pour 1 femme.
LES FACTEURS DE RISQUE POUR LE SOMMEIL
  • 16 patients (21%) souffrent d'arthrose. Ces patients, dont la moyenne d'âge est de 64.1 +/- 11.6 ans, sont essentiellement des femmes (n = 11, 69%).
  • Les hommes (n = 36) sont à 16.7% (n = 6) traités pour une hypertrophie prostatique. Ils sont plus âgés (73.5 +/- 5.0 ans) que la population des hommes interrogés (61.8 +/- 11.7 ans).
  • Les troubles anxieux concernent 25 patients (33%) avec une prédominance féminine (n = 17, 68%). 13 patients (17%) des patients interrogés sont traités pour dépression. Ce facteur de risque est essentiellement féminin (n = 11, 85% - p = 0.0092). Les troubles anxio-dépressifs touchent 11 patients (15%) dont 9 femmes (82%).
  • 29 femmes (74.4%) sont concernées par la ménopause. Seules 6 d’entre elles (20%) prennent un traitement de substitution.
CUMUL DES FDR NB DE PATIENTS AGE NOMBRE DE LIGNES
0 6 (8.0%) 49.2 +/- 10.2 2.1 +/- 2.0
1 20 (26.7%) 55.5 +/- 13.6 4.9 +/- 2.2
2 28 (37.3%) 63.1 +/- 9.8 6.2 +/- 2.7
3 11 (14.7%) 65.7 +/- 7.7 8.2 +/- 1.9
4 8 (10.7%) 67.1 +/- 7.5 8.5 +/- 2.1
5 2 (2.7%) 68.0 +/- 14.1 9.0 +/- 2.8

Le nombre moyen de lignes sur l’ordonnance d'hypnotique est de 6.1 +/- 2.9. Les 6 patients (8% - dont 4 femmes) ne présentant aucun trouble chronique traité ni aucun facteur de risque (FDR) ont un nombre de lignes moyen de 2.1 +/- 2.0, ce qui correspond à une médication quasi-systématique de troubles passagers, ces patients consultant leur médecin au moins toutes les quatre semaines pour leur prescription d'hypnotique.

EN RÉSUMÉ

La population interrogée est âgée et la consommation d’hypnotiques est très liée à l’état de santé des patients. En effet, 92% des patients interrogés sont traités pour une pathologie associée et près d’un tiers (28%) présentent au moins 3 facteurs de risque cardio-vasculaires ou pouvant entraîner des troubles du sommeil. Le nombre de lignes moyen sur l’ordonnance d’hypnotique est élevé.

Il apparaît, en outre, des différences entre les hommes et les femmes. Les patientes sous hypnotique présentent plus de facteurs de risques pouvant entraîner des troubles du sommeil : elles représentent 69% des patients traités pour arthrose, 68% des patients traités pour troubles anxieux, 85% pour dépression et 82% pour troubles anxio-dépressifs. Elles constituent, par ailleurs, 70% de la population n’ayant aucun trouble traité associé à l’insomnie. Les hommes, en revanche, ont plus de pathologies associées et plus de facteurs de risque cardio-vasculaires.

L'INSOMNIE ET SA PRISE EN CHARGE

Tous les renseignements colligés (date de la première prise, événement intercurrent ayant entraîné la prise, observation d'effets secondaires) font appel à la mémoire et au jugement des patients, ce qui peut être à l’origine de biais subjectifs.

Dans 85% des cas (n = 64), le début de l'insomnie peut être rattaché par le patient à un événement ou un trouble identifiable :

  • Pour 26 d'entre eux (41%) à un stress d’origine familial ou professionnel (deuil, divorce, licenciement)
  • Pour 22 d'entre eux (34%) à une maladie ou à un accident, soit une cause organique patente
  • Pour 9 d'entre eux (14%) à un problème psychiatrique avéré
  • Pour 7 d'entre eux (11%) à des problèmes d'hygiène de sommeil ou de rythmes imposés (travail posté).

Les difficultés d'endormissement sont retrouvées chez 67 patients sur 75 (soit dans 89% des cas); ces troubles restent isolés chez 47 d'entre eux (70%). Ils sont associés dans près d'un cas sur trois (n = 20, 27%) à des troubles du maintien du sommeil et / ou à des éveils trop précoces. De fait, les insomnies du petit matin isolées sont assez rares (n = 3, 4%).

  • LA PRISE EN CHARGE DE L'INSOMNIE
  • L'âge moyen lors de la première prise d'hypnotique est de 52.5 +/- 12.5 ans (médiane = 52 ans) sans différence statistiquement significative entre les hommes (53.6 +/- 12.4 ans – médiane = 55.5 ans) et les femmes (51.5 +/- 12.6 ans – médiane = 51 ans).
  • Les généralistes représentent 93% (n = 70) des prescripteurs. 3 prescriptions (4%) ont été faites lors d’une hospitalisation et seules 2 prescriptions (3%) viennent d'un spécialiste.
  • Les deux nouvelles molécules GABAergiques apparentées aux benzodiazépines viennent en tête avec 69% des prescriptions. Le Zolpidem bénéficie d'une nette préférence avec 40 prescriptions (53%) contre 12 (16%) pour la Zopiclone. Viennent ensuite les benzodiazépines à action intermédiaire avec 11 prescriptions (15%) puis les benzodiazépines à action prolongée avec 7 prescriptions (9%). Restent 5 prescriptions d’association (7%). Le Triazolam (HALCION® - benzodiazépine à action courte), dont la prescription est maintenant limitée à 14 jours, n'est plus représenté : 5 des patients l'ont reçu en première intention mais le prescripteur a toujours changé d'hypnotique.
  • Tout hypnotique confondu, 49 patients (65%) considèrent bien ou même très bien dormir. Seuls 4% d'entre eux (n = 3) déclarent que leur sommeil sous hypnotique est mauvais. Seuls 10 patients (13%) ont observé des effets secondaires indésirables avec leur hypnotique actuel. Sous Zolpidem, 4 patients se sont plaints d'éveils nocturnes et 1 patient de troubles de la mémoire. Sous Zopiclone, on relève 1 plainte de goût métallique (métabolites éliminés par la salive), 1 plainte de troubles de la mémoire et 1 plainte de vertiges avec accoutumance au produit. Sous Flunitrazépam, 2 patients ont souffert d'hypersomnie diurne.
  • Le traitement est suivi depuis, en moyenne, 8.4 +/- 9.0 ans (médiane = 5 ans) et 89% (n = 67) des patients prennent leur hypnotique de façon continue. Il est intéressant de noter que 5 des 8 patients ne prenant pas leur hypnotique de façon continue sont traités depuis moins d'un an.
  • 25 patients (33%) ont cependant changé d'hypnotique au cours de leur traitement – 10 d’entre eux ont même changé au moins deux fois : 9 sur avis du prescripteur (dont 5 pour le Triazolam), 7 pour hypersomnie diurne, 5 pour éveils nocturnes, 3 pour accoutumance et 1 pour pertes de mémoire. La première prise est plus ancienne pour ces patients, avec une moyenne de 11.1 +/- 11.4 ans (médiane = 10 ans).
  • 23 patients (31%) ont tenté un sevrage. 17 d’entre eux n’ont pas de pathologie associée (p = 0.0093) et jugent leur sommeil comme bon ou très bon. 5 sont en traitement depuis moins d'un an et pratiquent une prise discontinue. Ces tentatives ont à l'évidence échoué puisqu'ils se présentent au comptoir avec une prescription d'hypnotique.
  • Chez 25 patients (33%) dont 17 femmes l'hypnotique est associé à un anxiolytique. Parmi ces 25 patients, 8 patients (11%) dont 6 femmes , recoivent également un antidépresseur et 7 patients (9%) un antalgique. De fait, l'association combinant hypnotique, anxiolytique et/ou antidépresseur, antalgique est essentiellement retrouvée chez les femmes (p = 0.0433).
EN RÉSUMÉ

85% des patients interrogés retrouvent à l'origine de leur insomnie un événement déclenchant. Cet événement est lié, à part égale, à l'environnement (52%) ou à la maladie (48%). Les troubles du sommeil initiaux sont essentiellement des troubles de l'endormissement (89% des cas) isolés (70% des cas) survenant autour de la cinquantaine, aussi bien chez les hommes que chez les femmes.

La prescription initiale d'hypnotique émane dans 93% des cas d'un médecin généraliste. Elle porte essentiellement sur les nouvelles molécules apparentées aux benzodiazépines (69%). Les associations combinant hypnotique, anxiolytique, antidépresseur, antalgique sont essentiellement retrouvées chez les femmes.

La prise en charge de l'insomnie par le traitement hypnotique est bien vécue par les patients puisque 65% d'entre eux sont satisfaits de leur sommeil et que seulement 13% parlent d'effets secondaires indésirables.

Une fois le traitement instauré, les patients restent fidèles à leur hypnotique. 67% d’entre eux n'ont jamais changé de traitement que, pourtant, 89% d'entre eux prennent en continu depuis plus de 8 ans. Ils ne sont que 31% à avoir tenté un sevrage.

[SUITE]