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« ETAT DES LIEUX » DE LA PRISE EN CHARGE ACTUELLE DE L'INSOMNIE

Les hypnotiques à action GABAergique (Benzodiazépines et molécules apparentées) dans la prise en charge de l'insomnie.

A propos d'une enquête menée chez 75 patients sous hypnotique dans le cadre d'une officine de la Région Nord - Pas de Calais - Picardie.

C. Chaissac - Thèse pour le Diplôme d'Etat en Pharmacie. Université de Picardie Jules Verne. Faculté de Pharmacie (Amiens, le 30 Juin 1999).

Directeur de Thèse : Dr. D. Rose - Unité des Troubles Respiratoires au cours du Sommeil - CHU d'Amiens - France

LA PRISE EN CHARGE ACTUELLE DE L'INSOMNIE - UN CONSTAT D'ÉCHEC

Il nous semblait intéressant de mener cette enquête dans la mesure où elle nous permettait un « état des lieux » sur la prise en charge actuelle de l’insomnie trois ans après le rapport alarmant d'Edouard ZARIFIAN sur la consommation des psychotropes en France (« Mission générale concernant la prescription et l’utilisation des médicaments psychotropes en France » – Mars 1996 – 274 pp).

Il apparaît, que même menée sur un petit échantillon de patients, notre enquête retrouve les mêmes caractéristiques de la population consommatrice d’hypnotiques et les mêmes déviances dans la prise en charge de l'insomnie.

LA POPULATION CONSOMMATRICE D'HYPNOTIQUES

  • La consommation d'hypnotiques augmente bien avec l'âge et devient prépondérante après 40 ans. De fait, dans notre étude, la première prise survient autour de la cinquantaine, tant chez les hommes que chez les femmes.
  • Elle est, en outre, très liée à l'état de santé somatique des patients. Le nombre de lignes moyen d'une ordonnance d'hypnotique (6.1 dans notre étude; 5.2 - ZARIFIAN, 1996) est très élevé alors que dans une ordonnance sans hypnotique le nombre moyen de lignes est presque moitié moindre (2.9 - ZARIFIAN, 1996). La maladie est à la fois un facteur déclenchant de la prise initiale (48% des cas dans notre étude) et un élément favorisant la prise continue du traitement. Parmi nos patients n’ayant jamais tenté de sevrage de leur hypnotique, 54% présentaient une pathologie associée aux troubles du sommeil.
  • Les facteurs de risque pouvant entraîner des troubles du sommeil touchent essentiellement les femmes, ce qui est en accord avec les conclusions du rapport de ZARIFIAN (1996) montrant une consommation le plus souvent féminine d'hypnotiques et d'anxiolytiques en France. Il semble, en effet, intéressant de souligner la part importante tenue par les femmes (66.7% des cas) dans la population de patients traités pour troubles anxio-dépressifs.
  • De fait, même au sein de notre petit échantillon de patients interrogés, la consommation d’hypnotiques est très liée aux difficultés socio-professionnelles (ZARIFIAN, 1996). Dans notre étude, les facteurs environnementaux sont dans 52% des cas impliqués dans le déclenchement de l’insomnie. En outre, il est intéressant de remarquer que les troubles du sommeil initiaux portent essentiellement sur des difficultés d’endormissement isolées (70% des cas), ce qui est classiquement décrit comme le type d’insomnie rencontré en cas de « stress » important.

LA PRISE EN CHARGE DE L'INSOMNIE

  • Les patients se tournent vers leur médecin généraliste, responsable dans plus de 85% des cas (93% des cas dans notre étude) de la prescription initiale d’hypnotique (ZARIFIAN, 1996). Il reste qu'aucun des patients interrogés dans notre enquête n’a fait l’objet d’une investigation quelconque de ses troubles du sommeil (agenda de sommeil, actimétrie, polygraphie de sommeil …). De fait, l’identité professionnelle du médecin en France se concrètise essentiellement par l’ordonnance d’un médicament (ZARIFIAN, 1996).
  • Cette prescription porte essentiellement sur les « nouvelles » molécules hypnotiques apparentées aux benzodiazépines. Le trio STILNOX® - IMOVANE® - ROHYPNOL® représente 58% (ZARIFIAN, 1996) à 65% des prescriptions (notre étude). Ceci est une particularité bien française. La France, en effet, demeure le pays le plus consommateur d’hypnotiques en Europe, avec une stabilité remarquable au cours de la période 1991 - 1994 ; l’évolution est marquée par une diminution des benzodiazépines au sens strict du terme au profit des deux produits les plus récents que sont le Zolpidem et la Zopiclone (ZARIFIAN, 1996). Ces deux molécules représentent à elles seules 69% des prescriptions dans notre étude. Les prescripteurs ont donc su tirer profit du progrès apporté par l'avènement de ces deux molécules. Il faut cependant noter que leur mise sur le marché français remonte à plus de 10 ans (respectivement 1987 et 1988 pour la Zopiclone et le Zolpidem) depuis lesquels elles ont assis leur suprématie en l'absence de toute innovation.
  • Une fois le traitement instauré, les patients interrogés restent fidèles à leur hypnotique, qu’ils prennent en continu dans 89% des cas. Seuls 31% d’entre eux ont tenté un sevrage. Cette prise régulière dure, en moyenne, depuis plus de 8 ans. Ce chiffre est à rapprocher de l’ancienneté moyenne (7.5 ans) du traitement par hypnotique rapportée par ZARIFIAN (1996) ; 57% des consommateurs d’hypnotiques ont débuté leur traitement depuis 5 ans au moins (52% dans notre étude) - 33% depuis au moins 10 ans (40% dans notre étude).

DE L'EFFICACITÉ DE LA PRISE EN CHARGE

Ces observations restent grandement alarmantes.

  • De fait, si les hypnotiques sont efficaces et si les nouvelles molécules tendent à induire un sommeil proche du sommeil physiologique, l'efficacité des hypnotiques GABAergiques ne perdure pas au-delà de quelques mois. Leur utilisation à long terme ne peut qu’entraîner une majoration de leurs effets secondaires et l’apparition de phénomènes d’accoutumance. La mise en place d'un protocole de sevrage devient alors nécessaire. Celui-ci sera d'autant plus difficile que les hypnotiques auront été administrés longtemps et à doses élevées. Ces molécules ne peuvent donc briguer d'autre statut que celui de traitement symptomatique de l'insomnie. Elles ne doivent être qu'un des éléments de la prise en charge de l'insomnie qui nécessite une investigation clinique du patient et un traitement conjuguant des approches psychothérapiques, comportementales et pharmacologiques. Leur indication doit se limiter au traitement des insomnies occasionnelles ou réactionnelles récentes (< à 3 semaines), chaque fois que l'hygiène de sommeil et les traitements non pharmacologiques s'avèrent insuffisants (BENOÎT, 1991). Quoiqu’il en soit, la durée de prescription doit être courte (quelques jours à quelques semaines selon les cas) et le traitement réévalué régulièrement et ce conformément à l’esprit de l’arrêté du 7 octobre 1991 qui limite la durée de prescription des médicaments hypnotiques à 4 semaines, à l'exception de l’HALCION® pour lequel la durée de prescription est limitée à 2 semaines.
  • Il semble donc que la prise en charge des insomnies reste encore de nos jours un échec flagrant même si les patients semblent satisfaits de leur traitement. Cette constatation est d’autant plus inquiétante que plus de 10% de cas nouvellement traités entrent chaque année dans le groupe de patients traités au long cours par les benzodiazépines et assimilées, et ce de façon non conforme à la réglementation (ZARIFIAN, 1996). Dans notre étude, 12% des patients interrogés prennaient leur traitement depuis moins d’un an. Il serait intéressant de suivre leur devenir …. Au bout d’un délai moyen de 7 mois, le traitement est poursuivi dans 45% des cas (ZARIFIAN, 1996).

LES RAISONS D'UN TEL ÉCHEC

La poursuite d'un tel traitement renouvelé toutes les quatre semaines par les prescripteurs laisse perplexe .. A l'origine de cette carence, on retrouve trois facteurs essentiels :

  • Un défaut de formation du monde médical, tant au niveau universitaire que post-universitaire. A ce propos, il faut souligner que la formation post-universitaire des médecins et des pharmaciens est souvent assurée en collaboration avec les laboratoires pharmaceutiques … Ce défaut de formation est responsable d’une trop faible sensibilisation du corps médical aux conséquences des troubles du sommeil alors que l’on sait maintenant que la durée du sommeil est un meilleur critère de risque de mortalité que l’existence d’un diabète, d’une pathologie cardiaque ou d’une hypertension. L'insomnie est toujours considérée comme étant de nature essentiellement psychologique, ne requérant que peu d'efforts diagnostiques.
  • Un défaut de moyens persistant. En effet, les organismes nationaux de recherche (INSERM, CNRS) offrent peu de crédits aux recherches sur les troubles du sommeil comme sur les mécanismes neurobiologiques à la base de l'homéostasie du sommeil. Peu de Centres de Sommeil sont à ce jour reconnus, en France, par la Société Française de Recherche sur le Sommeil. Les généralistes doivent donc généralement assumer seuls la prise en charge de l'insomnie alors que, le plus souvent, le cadre de leurs consultations ne leur permet pas une approche efficace (manque de temps, difficultés d’accompagnement des patients avec le suivi de leur agenda de sommeil, manque d'éléments diagnostiques tels que les tracés actimétriques ou polysomnographiques ...) notamment dans les formes chroniques, dont le traitement repose essentiellement sur une approche comportementale et/ou psychothérapique.
  • Un défaut d'information sur les règles d'hygiène de sommeil pourtant simples et constituant une prévention efficace. Leur diffusion reste confidentielle et l'on ne peut que regretter qu'elles ne soient pas intégrées dans les programmes scolaires et ne fassent que trop rarement l'objet de campagne de Santé Publique. Il semble actuellement que les médias soient encore les meilleurs relais de ces informations, la prévalence des troubles du sommeil leur assurant un audimat toujours intéressant.