
"Ce plaisir narcissique que le malade tire de la situation analytique est la condition même de l'installation solide de celle-ci et de la réussite de la cure [...] Ce plaisir là ne doit pas être refusé à l'analysé, sauf si au bout d'un certain temps, il devient manifeste que la régression reste toujours au même niveau, que le malade s'y installe à demeure et la cultive [...] encore existe-t-il des situations où il faut être prudent, le malade pouvant avoir des raisons qu'il ne dévoilera que plus tard de perpétuer cette situation [....] C'est l'analysé qui dirige l'analyse puisque c'est lui qui en règle la marche en ouvrant les écluses de son inconscient pour laisser sortit le matériel, c'est lui qui facilite et prépare les interprétations et qui fait quelquefois les découvertes. Quant au choix de l'analyste, le malade fait son choix [...] l'analysé accorde à un analyste parmi d'autres un préjugé favorable qui fait que celui-ci devient son analyste et que, désormais, il le survalorisera et le dotera d'un investissement narcissique puissant. [...]Le narcissisme de l'analysé est toujours en éveil et il ne faut pas le léser en discutant avec lui ou en le critiquant. [...] La liberté narcissique du malade doit être complète dans ce sens qu'il doit toujours être seul parti actif. L'analyste, lui, n'a pas une existence propre par rapport à l'analysé. Il n'a à être ni bon ni mauvais. Il n'a pas à être. [...] Ainsi, l'analyse n'a rien d'un dialogue, tout au plus s'agit-il d'un monologue à deux voix, l'une parlant et l'autre résonnant, répétant, mettant au point, interprétant correctement : un miroir sans ternissure. "
Béla Grunberger - Le narcissisme - Essais de Psychanalyse. pbp 267. |
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Né en 1903 en Hongrie, Béla Grunberger y est confronté très tôt à l'antisémitisme. Il tente alors d'acquérir une formation universitaire en Allemagne, où il arrive au début des années 1920 et où il essaie de s'inscrire dans différentes facultés. Entre toutes ses tentatives décues pour trouver une Université d'accueil, il passe son temps dans les bibliothèques, où il découvre la littérature psychanalytique. La violence antisémite ne cessant d'augmenter, Béla Grunberger, se sentant en danger, émigre une nouvelle fois en Suisse en 1927, à Zurich puis à Genève. Ayant obtenu un diplôme de Sciences Economiques et Sociales et la situation socio-politique de la Hongrie l'empêchant de rentrer chez lui, il trouve un emploi à Genève. Mais, la menace de conflit devenant chaque jour plus précise, Béla Grunberger se réfugie en France, alors pays d'asile pour beaucoup de juifs qui fuyaient les persécutions de l'Est, deux jours avant la déclaration de guerre. S'intéressant de plus en plus à la psychanalyse, il surmonte son peu d'attirance pour la pratique médicale et s'inscrit à la Faculté de Médecine de Grenoble. Il tente, en Juin 1940, de rejoindre l'Angleterre mais est arrêté et interné, en tant qu'étranger, au camp d'Oloron dans les Pyrénées - Atlantiques - camp dont il parvient à s'échapper pour se réfugier de nouveau à Grenoble. L'occupation allemande le forcera à la clandestinité ... et à la Libération, il apprend la mort de ses parents et de sa famille à Auschwitz. C'est, enfin, en 1946 que Béla Grunberger monte à Paris et s'y installe. C'est là, à 43 ans, qu'il entreprend son analyse ......
Pierre Dessuant - Béla Grunberger - Psychanalystes d'aujourd'hui - puf - 1999 - 127 p.
La psychanalyse est redevable à Béla Grunberger d'une théorie originale du narcissisme, essentiellement inspirée par la clinique. Il fut le premier psychanalyste à avoir montré toute l'importance de la dimension narcissique dans la cure psychanalytique, bouscoulant au passage nombre d'idées recues. Ce clinicien et théoricien indépendant, souvent violemment contesté, a contribué à élargir le champ de la pratique psychanalytique.

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